027 Die’stoires et Contes : Cycle Boris Pahor à Luc en Diois (3)

Publié le 29 avril 2015

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Soixante-dixième anniversaire de la Libération. Hommage exceptionnel à un homme d’exception, résistant-déporté au camp du
Struthof. Le 8 mai, Luc-En-Diois au pied du Vercors recevra l’écrivain slovène Boris Pahor!
L’on commémore cette année le premier massacre de masse du vingtième siècle. Mais, comme le disait Macbeth, “les choses que le mal a commencées se consolident par le mal” et Hitler aura ce mot “qui se soucie encore des Arméniens?” avant de s’engager dans
un massacre à plus grande échelle, assuré de l’impunité.
Agé de 101 ans, infatigable voyageur, Boris Pahor est un des derniers témoins de ce siècle qui s’ouvrit sur le génocide d’un million et demi d’Arméniens. A l’heure d’une montée des extrémismes, il ne cesse de nous appeler à la vigilance. Il sera à Luc En Diois qui lui rendra hommage à l’occasion du 8 mai par une série d’événements.
En effet, résistant déporté d’origine slovène, Boris Pahor est aussi un écrivain de dimension européenne, inscrit sur la liste des nobélisables et salué à l’égal de Primo Lévi.
Son très beau texte, “Pélerin parmi les ombres” a largement contribué à faire connaître le camp de déportation français du Struthof, devenu depuis “Mémorial européen de la Résistance et de la Déportation”. Pour lui, les désastres à venir s’enracinent en 1920 à Trieste, dans la prise de pouvoir fasciste en Italie et l’incendie par les Chemises noires de la Maison de Culture slovène. Il
sera suivi par l’éradication de toute identité slovène (langue interdite, noms italianisés…). Trieste, sa ville natale, ville frontière, où se rencontraient autrefois les cultures, à l’époque austro-hongroise. Les Slovènes? Des poux à écraser. “Est-ce que les punaises qui infestent un appartement ont une identité?” écrira en 1930 Arnaldo, frère du Duce, dans le quotidien “Il Popolo”. Les textes de Kafka dont “La métamorphose” sont visionnaires, par cette métaphore d’une éradication de “l’autre”, “l’étranger”, transformé en insecte nuisible pour justifier son extermination. Pour ne citer que le printemps des machettes au Rwanda, Radio des Milles
collines proclamait alors: “Réjouissons-nous amis, le cafard a été exterminé!”. Et plus proche, cette comparaison fut utilisée pour les malheureux clandestins massés sur des bateaux de fortune.
Le documentaire de Chris Oxley, “le fascisme italien” réalisé pour Arte illustre parfaitement cette montée d’un extrémisme fasciste qui ne surgit pas du néant mais trouve son origine dans la situation désastreuse de l’Italie après la guerre de 1918. Puis, dans une Allemagne pareillement dévastée, Mussolini servira de modèle à Hitler, l’élève finissant par dépasser son maître.
Les romans de Boris Pahor dont une huitaine sont traduits en langue française épousent ces mécanismes dont les camps d’extermination et les soixante millions de victimes dues à la seconde guerre constitueront le final apocalyptique. Quel sens donner alors à la vie humaine? Qu’est-ce qui pourrait subsister dans un monde livré à l’anéantissement? Comment vivre, goûter le simple bonheur d’être après la catastrophe? Et peut-être après tout cataclysme? Profondément humanistes, les textes de Boris Pahor, nous appellent à la vigilance. Mais ils sont aussi une réflexion sur cette part propre à persister, envers et contre tout, cette incroyable résilience des survivants. Seul dit-il l’amour, l’amour de la femme, de la nature qu’il chante dans des pages toutes de délicatesse et de poésie, vaudraient encore la peine et seraient susceptibles de réenchanter les territoires d’une humanité dévastée.
Au programme
Le 7 mai, un travail sera entrepris avec les jeunes: école de Luc et Cité Scolaire de Die. Le 8 mai à 10h bibliothèque de Luc: rencontre-lecture à plusieurs voix en présence de l’écrivain et de la réalisatrice.
16H30: commémoration au Monument aux Morts de Luc.
17H; Pot d’accueil, salle des Voconces.
18H: Projection du documentaire de Fabienne Issartel, “Boris Pahor, portrait d’un
homme libre” précédée de “mots” dits par Alin Curtet et ses amis. (entrées libres)
Le 9 mai à 10h30: dédicace à la librairie Mosaïque (Die) suivie par la visite du
Mémorial de Vassieux en Vercors.

Pour écouter les autres émissions de ce cycle, cliquez sur les liens suivants :

Die’stoires et Contes : Cycle Boris Pahor à Luc en Diois (1)
Die’stoires et Contes : Cycle Boris Pahor à Luc en Diois (2)
Die’stoires et Contes : Cycle Boris Pahor à Luc en Diois (4)
L’interview d’Anne Marie : Boris Pahor à Luc en Diois

Date : 31.03.15
Lieu : Studio RDWA
Durée : 25’44”
Réalisation : Louis XXI

Ce 9 mai, jour anniversaire de la capitulation de Reich, Rudi Leban, alias Boris Pahor, nous accueille dans un petit hôtel parisien. Il aura 100 ans le 28 août – c’est donc l’un des derniers sujets de l’empire Habsbourg . C’est surtout un très grand écrivain, l’un des deux Triestins éligibles au Nobel avec Claudio Magris. Mais contrairement à l’auteur italien du merveilleux « Danube », il écrit en slovène. C’est à Pierre-Guillaume de Roux, grande carcasse qui embrasse ce petit monsieur frêle comme un aïeul vénéré, que l’on doit la publication en français, il y a vingt-trois ans, de « Pèlerin parmi les ombres », récit magistral de la déportation de Pahor dans le camp de concentration du Struthof et, sans doute, son livre majeur. C’est au même éditeur, qui a depuis créé sa maison que l’on doit celle de « Quant Ulysse revient à Trieste », publié en 1955 dans la ville slovène de Koper (Capodistria).

Italien, Boris Pahor, aurait pu écrire dans cette langue apprise au berceau, avec l’allemand et le slovène. Sa renommée aurait sans doute été plus grande. Mais une scène primitive d’une rare violence, l’en empêche. En 1920 – il a 7 ans -, il assiste à l’incendie par les fascistes de la Maison du peuple slovène de Trieste, l’équivalent de nos maisons de la culture.

L’ancien port de la marine austro-hongroise est alors le champ d’expérimentation de l’italianisation forcée : interdiction de l’usage du slovène, transformation des noms (la famille Pahor y échappe), interdiction d’exercer certains métiers (le père de Boris, photographe est chassé de la police austro-hongroise). Le jeune homme en fait le serment : le slovène, langue humiliée, sera la langue de la dignité retrouvée.

Après la guerre en Libye dans l’armée italienne, la résistance, la déportation et le sanatorium français où le soigne la belle infirmière Arlette, Boris Pahor écrit. Ses romans , interdits pour « anticommunisme » dans la Yougoslavie de Tito, snobés par une Italie indifférente et plus prompte à célébrer les victimes des communistes titistes que celles de fascistes, sont lus en France, en Allemagne et aux États-Unis.

Contre vents mauvais et marées chahutées, Boris Pahor vit depuis toujours à Trieste, vestige du monde d’hier. Témoin capital du siècle , il n’a qu’une supplique à l’égard de la jeunesse européenne : « Étudiez l’histoire tragique de votre continent »

article écrit par Emmanuel Hecht, dans l’Express, suite à la parution de “Quand Ulysse revient à Trieste”.

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